Une fois sorti de l’avion, tout va très vite.
Je dois passer mon interrupteur cérébral de la position « occidental » à la position « latino ».

Préparation d’un jus au « lulo » (narangille). Saviez-vous que la Colombie est le pays où l’on trouve le plus de variétés de fruits ?
La viande, le fromage et le vin rouge se transforment en manioc, riz et jus de fruits frais. (Vous pouvez m’envoyer du vin rouge!)
Le code de la route et les véhicules qui roulent tous à la même vitesse, s’arrêtent aux feux et suivent la même file sont maintenant loi de la jungle urbaine, au premier qui passe, priorité absolue au plus fort (attention les piétons!) et gaz d’échappements épais qui noircissent les poumons des passants.
Chanson de vallenato, style musical colombien à l’accordéon.
La tranquillité des rues et le chant doux des oiseaux de ma petite ville creusoise se métamorphosent en musique latine chantant joyeusement à partir des maisons de mon quartier. Les commerces innombrables envahissent les bâtiments du centre. Les commerçants ambulants vendant fruits, légumes, chips, empanadas, caleçons et chaussettes, bonbons, jus de fruits, chaussons de riz, noix de coco… (plus ou moins tout quand on cherche bien) crient à tue-tête qu’ils vendent à bon marché. Une foule compacte, décontractée et bruyante vadrouille le long du pavé et les sans-abris finissent leurs nuits dans l’herbe non coupée d’un parc.

Je vous présente mes colocs! De gauche à droite et de haut en bas: Alexa, Fercha, Jime, Jaz, Blancox et Tati. Je me bats régulièrement avec Blancox pour la place de l’homme de la maison.
La couleur, la démarche, la silhouette et le regard des gens ont changé.
Lorsque l’on rencontre quelqu’un, il faut en général qu’un ami vous introduise et vous passez ensuite du statut d’inconnu que l’on ignore à celui d' »hermano » que l’on prend tendrement dans les bras.
Le désordre se dessine sur le paysage urbain.
La sécurité n’est plus. La nuit tombée, les probabilités d’un vol sont hautes. Bien regarder les angles des rues, éviter les rues mal éclairées, éviter les groupes d’hommes, éviter de se promener seul, ne pas paraître proie, ne pas sortir avec des objets de valeur ou au moins ne pas les montrer.
Le quartier dans lequel je vis est dit dangereux. Je rentre régulièrement seul, tard le soir.
Pourtant, je ne sens ni peur ni sentiment d’insécurité. Même au contraire.
Je ne crois pas à une protection extérieure. A ce niveau, ma confiance en moi s’est bien développée. Il faut faire attention et savoir que l’on peut mal tomber.
D’ailleurs les personnes qui vivent ici sont toutes d’accords sur ce point: cette ville est dangereuse. Mais ils sont encore plus d’accords pour dire qu’ils aiment cette ville, ce département.
Je voyage, je me sens vivant.
A partir d’environ 1 heure du matin, un couvre-feu est installé. L’autre nuit, sirotant quelques litres d’aguardiente (gnôle de canne) de contrebande avec les copains dans la rue, des policiers sont venus nous délocaliser à plusieurs reprises. Au bout de la troisième fois, l’un d’eux s’est mis à nous insulter et à nous provoquer (chantant « bande d’idiots, bande d’idiots, bande d’idiots… »).
J’ai entendu dire qu’il y a parfois des camions policiers qui ramassent les gens qui boivent dans les rues pour les éloigner du centre ville afin de donner une impression de « propreté ». C’est sale.
Et c’est triste de ne pas pouvoir picoler tranquillement dans la rue.
J’ai changé de monde. Je n’aurai pas cru que ce soit si facile.
Je ne suis plus aide-soignant dans une maison d’accueil spécialisée mais professeur à l’alliance française. Je me vois expliquer la langue que je parle depuis toujours, j’apprends plus que j’enseigne! Expliquer comment former les sons inconnus des latinos ou les différents sens du mot « ménage » sera désormais mon quotidien (pour l’instant).
Je ne suis plus seul aux testicules pesants mais amoureux en pleine lune de miel. Rien à ajouter, ce que je vis de ce côté dépasse mes attentes.
Je ne suis plus dans un monde purement scientifique mais bien sur une terre magique où cohabitent les humains, les « duende », les « sirenas » et autres « viejas » ou personnages mythiques et où des savoirs millénaires énergétiques et spirituelles soignent et apaisent.
Ne vous apprêtez pas à camper dans le paysage de la photo ci-dessus sans demander l’autorisation à dame Nature. Sinon vous risquez d’avoir la visite de duendes dans la nuit qui ne vous laisseront guère dormir et qui traîneront vos vêtements dans la boue!

Le volcan Galeras, vue du Parque Infantil, parc du centre de Pasto. On aperçoit rarement la point en forme de « galère » car véritable aimant à nuages.
J’ai monté de quelques milliers de mètres d’altitude et je me trouve au milieu de la cordillères des Andes. Ma ville est dominée par le volcan Galeras ou Urcunina (montagne de feu en Quechua), respecté et aimé par tous, en activité, crachant parfois d’épais nuages ou quelques lumières étranges.
Généralement, les touristes partent en courant lorsque Galeras s’active. Les pastusos sont habitués. Ni les bruits de ce dernier ni les tremblements de terre ne les font déguerpir.
Actuellement, à quelques kilomètres au sud vers la frontière avec l’Équateur, les volcans Cerro Negro et Chiles sont en alerte orange. J’aurai peut-être l’occasion de voir un joli feu d’artifice!?
Je garde une certaine stabilité malgré cette vie différente. C’est ce monde virtuel dont la porte d’accès est l’ordinateur et la clé la connexion internet. Grâce ou à cause de celle-ci, je ne suis pas complètement perdu et déséquilibré. Je garde une proximité lointaine avec mes proches. Je suis homme machine virtuel qui tient à disposition des milliards d’informations piochées directement dans un cerveau univers de taille infinie, à une tape d’index de distance.
Je remets en cause la partie aventure de mon histoire. Un petit nid douillet s’est ouvert à moi ici. L’amour est venu s’immiscer dans mes projets. C’est confortable et ça me prend aux tripes.
Alors pourquoi aller dehors et risquer de vivre?
Parce que tu ne vis pas deja la cretinus… Vivre ce n’est pas seulement voyager mon petit!
Oh hé, c’est bon!!!!!!
T’es désagréable Margaux.
Un gros bisou
Manu j’ai lu avec attention tous tes écrits et c’est beau…! On se concentre au début pour être sûr de ne rien louper, mais on plonge dedans au bout de quelques secondes. C’est triste quand ça s’arrête !!! J’en veux d’autres ! Les photos sont poignantes et font vivre le texte. Bravo ! Tu as l’air d’être maître de ton destin, tu suis ta route, et je suis tellement fière de toi !!! En établissant un contact virtuel, je crois qu’on crée en fait bien plus que ça, on se connaît d’avantage.. C’est dingue, tu écris plus que tu ne parles Monsieur Hefti ! Et tu le fais à merveilles.. J’ai hâte de lire les prochaines nouvelles, comme on se dépêche d’aller au lit pour lire un nouveau chapitre d’un roman..! Jusque là, je t’embrasse, et te dis à très bientôt !
Dodie
Wahou Dodie, merci beaucoup pour ce magnifique commentaire! J’en rougis.
Ça me fait vraiment plaisir, je me sens fier là!!
C’est chouette d’avoir plusieurs moyens de s’exprimer. La parole n’est parfois pas suffisante. L’écriture, la peinture, la musique, le toucher, le regard… viennent compléter, heureusement.
Gros bisous Dodie!
ay hoombe buen vallenato! et bonne expediton.
Ayyyy merci et à bientôt!
Désagréable moi?? Non…. Jamais! Peut être un peu jalouse de ce que tu vis! C’est vraiment génial ce qui t’arrive mon numa. Profite à fond! Je t’embrasse. A bientôt pour suivre la suite de tes aventures. Bibi amigo.
Je t’embrasse fort Margaux. Des bibis et envoie moi des nouvelles de temps en temps.